Notre-Dame-des-Landes, la folle journée de Nantes

Publié le par Le blog de la Gauche Anticapitaliste du Tarn & Garonne

Notre-Dame-des-Landes, la folle journée de Nantes

Témoignage : Myriam Martin, porte-parole d’Ensemble ! et colistière de Jean-Christophe Sellin sur la liste "À Toulouse place au peuple", était à Nantes au sein de la manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Contrepoint sur un événement très (mal) médiatisé.

13h au point de ralliement pour les organisations du Front de Gauche opposées à l’aéroport de Notre Dame Des Landes. Il y a déjà foule, les militant-es du PG comme d’ « Ensemble ! » sont déjà au rendez vous et déploient les banderoles. Les représentant-es politiques et nationaux des ces organisations arrivent peu à peu.

À l’appel de lACIPA (Association citoyenne intercommunale des populations concernées par le projet d’Aéroport de Notre-Dame-des-Landes), principal organisateur des opposants au deuxième aéroport, des milliers de manifestant-e-s, sans doute plus de 20.000, se pressent sur la place de la préfecture. La guerre des chiffres n’a pas lieu d’être : la manifestation est massive et passé un seuil, on ne s’honore pas à vouloir à tout prix minimiser le succès de celle-ci. Nul ne peut nier, à la préfecture, qu’il y a plus de monde que pour celle du 17 novembre 2012 lors de la réoccupation de la ZAD (Zone à défendre), puisque avaient été dénombrés alors entre 15.000 et 40.000 participant-es avec quarante bus des régions. Là, en tête de cortège, 520 tracteurs paradent, 60 bus sont arrivés de toute la France, on dénombre donc entre 20.000 et 50.000 personnes. Le cortège dense s’étire en longueur, on piétine longuement avant de pouvoir effectuer quelques pas, l’ambiance est chaleureuse et festive.

Notre-Dame-des-Landes, la folle journée de Nantes
La responsabilité des autorités

Ce n’est pourtant pas cela que la majorité des médias a retenu pour rendre compte de cette démonstration. Loin l’idée de minimiser, encore moins de nier, les incidents qui ont éclaté, mais il est nécessaire de constater que le compte rendu médiatique et "officiel" de cette journée a été partial et que le rôle du dispositif policier mis en place doit être interrogé.

« Guérilla urbaine », « razzia dans le centre ville » : ainsi le centre ville de Nantes semblent avoir été dévasté, anéanti par des hordes de « casseurs ». L’information revient en boucle dans toute la presse. Bien sûr, des bâtiments ont été sérieusement endommagés, en particulier ceux appartenant à la multinationale Vinci. Avant même de rapporter de la manière la plus exhaustive possible l’ensemble des éléments concernant les causes et les conséquences des incidents et affrontements, avant même de vérifier le nombre de blessés – et donc pas uniquement parmi les forces de l’ordre –, on annonce déjà que cette journée de manifestation contre l’aéroport de NDDL va coûter très cher à cause des dégâts occasionnés. Les coupables ? Les organisateurs, bien sûr ! Les partisans de ce grand projet inutile qu’est l’« Ayraultport » poussent de hauts cris : non seulement les opposants n’auraient pas été capables d’empêcher les incidents qui se sont déroulés, mais en plus, ils sont sommés par le préfet de la Loire Atlantique de cesser d’être « la vitrine légale d’un mouvement armé ». Rien que cela !

Les autorités, par la voix du préfet, du ministre de l’Intérieur et du Premier ministre, croient-elles sérieusement enrayer ainsi la résistance et la détermination exemplaires de ceux qui se battent depuis des années et occupent la ZAD ? Le procédé est grossier, ce d’autant que la question de la sécurité de la manifestation peut aisément se retourner contre ceux qui sont censés l’assurer.

Notre-Dame-des-Landes, la folle journée de Nantes
Une vision univoque, un succès occulté

L’interdiction de circuler sur des artères d’habitude empruntées par les manifestations à Nantes, un dispositif policier qui en conséquence interdisait de nombreuses rues, n’étaient pas à même d’éviter les problèmes, mais plutôt de les provoquer. Les opposants à l’aéroport ont appris la veille l’interdiction du parcours initial, la presse a relayé cette information avec un ton systématiquement alarmant pour les organisateurs : si la manif devait changer de parcours, c’est que forcément des incidents auraient lieu. Les décisions de la préfecture ont été vécues comme des provocations, et c’était sans doute le but. Les annonces faites sur les blessés n’ont concerné durant deux jours que ceux dénombrés chez les policiers. Aujourd’hui, force est de constater qu’il y en a eu aussi parmi les manifestants, dont un jeune homme dont l’œil a été crevé par un tir de flashball. On a beaucoup parlé des "Black Blocs", peut-être une dizaine tout au plus et dont la venue et la présence étaient connues des forces de police.

Les incidents qui ont ponctué la manif ne peuvent faire oublier que cette dernière est un succès, qu’à Nantes comme ailleurs de plus en plus d’hommes et de femmes sont opposés à ce projet aberrant et destructeur. La violence est celle de l’État, qui s’exerce à l’encontre des paysans désireux de protéger les terres agricoles. La balle est toujours dans le camp du gouvernement et aussi dans celui d’Europe Ecologie Les Verts. Bien sûr, nombreux et nombreuses étaient les militant-es écologistes, à Nantes samedi dernier. Mais leurs dirigeants, en particulier ceux qui sont ministres du gouvernement Ayrault, peuvent être de « tout cœur » avec les manifestant-es, il n’en demeure pas moins qu’il va falloir choisir : soutenir les opposants de plus en plus nombreux à l’aéroport de NDDL, ou de fait soutenir un gouvernement favorable à un grand projet inutile et destructeur.

Pour ses participants, la lutte est loin d’être finie : elle est même d’ores et déjà aussi emblématique qu’en son temps celle du Larzac.

Regards.fr - Myriam Martin - le 26 fév 2014

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