Contre le pacte de responsabilité, rassembler pour une alternative à gauche

Publié le par Le blog de la Gauche Anticapitaliste du Tarn & Garonne

Contre le pacte de responsabilité, rassembler pour une alternative à gauche

Le « pacte de responsabilité » proposé par François Hollande au Medef est parfois présenté comme un événement fondateur marquant – enfin ! – le ralliement du PS français à une ligne raisonnable, « social-démocrate ». Pour les hommes et les femmes de gauche, il apparaît surtout comme le dernier reniement en date des socialistes français. En effet, le credo platement libéral des Moscovici, Fabius, Cazeneuve et autres Sapin ne saurait convaincre celles et ceux qui restent attachés à la justice sociale. Il faut donc que les dirigeants socialistes essayent de montrer que la politique actuelle s’inscrit dans l’histoire longue d’une gauche certes réformiste mais attentive au sort des couches populaires. C'est ce qu'essaie de nous faire croire Henri Weber, député socialiste européen, dans une tribune publiée par Libération vendredi 14 mars.

Destinée à défendre surtout le pacte de responsabilité comme « un compromis social-démocrate du troisième type », la tribune d'Henri Weber revient sur l'histoire de la social-démocratie. Cette dernière, d'après lui, est l'expression, à chaque étape de son histoire, du compromis adapté aux « rapports de force et conditions objectives ». Une manière très spécieuse de présenter les choses : la recherche du compromis, attitude responsable par excellence, aurait pour objectif de défendre au mieux les salariés, en tenant compte de la réalité et de ce qu'il est possible de faire dans une période donnée. L'art de revisiter l'histoire ou d'en oublier une partie !

Un retour au XXe siècle de l'histoire de la social-démocratie nous éclairerait sur sa politique du « compromis » : en cette période de commémoration de la guerre de 14-18, il serait opportun de revenir sur la faillite politique et morale de la social-démocratie à cette occasion. Dans les principaux pays européens, à commencer par l’Allemagne et la France, le premier « compromis » des sociaux-démocrates avec leur propre bourgeoisie se traduisit par l'envoi des travailleurs qu’ils étaient censés défendre à la boucherie. Histoire trop vite oubliée !

Mais prenons la période juste après 1945, les fameuses Trente glorieuses et l'amélioration du sort de la classe ouvrière : les conquêtes sociales ne sont pas le fruit de l'acceptation de l'économie de marché et de la légitimité du pouvoir patronal, mais bien, avant tout, celui d'un rapport de force, favorable aux travailleurs et rendu possible par le poids de la Résistance et du Conseil national de la résistance, par les masses populaires mobilisées à la Libération, par les mouvement sociaux puissants qui, pour la France, vont des grèves insurrectionnelles de 1947… à Mai et Juin 1968.

Puis, il y a eu la crise (1975) et, à partir de 1980, il y aurait donc la phase des « compromis défensifs ». Tout aurait été fait pour préserver les acquis. Encore une ré-écriture de l'histoire : d'abord, c'est oublier ce qui amène à la victoire de François Mitterrand en 1981 et la période 81- 83, ensuite, si compromis défensifs il y a eu, on voit assez mal ce qu’ils ont préservé !

Contre le pacte de responsabilité, rassembler pour une alternative à gauche

Rappelons donc les principales mesures prises au cours des années 1981 à 1983. Pour s’en tenir aux mesures économiques et sociales, on peut citer le passage aux 39 heures hebdomadaires, la cinquième semaine de congés payés, la retraite à 60 ans, l'augmentation du SMIC...
Mais il est vrai que cette phase fut éphémère : elle a pris fin en 1983 avec ce qu’il est convenu d’appeler le « tournant de la rigueur ». Drôle de « compromis » : avec l'inversion de l’évolution du partage des richesses entre capital et travail, inversion de plus en plus favorable au capital, avec l'explosion des inégalités de salaire et de revenu, et du chômage.

Dans la phase actuelle, qu'en est-il du compromis ? Il doit s'adapter à la mondialisation capitaliste et donc accepter dérégulation, stagnation du pouvoir d’achat des salariés, réduction du niveau de protection sociale... En échange de ? La défense de l'emploi et la sauvegarde de la puissance économique nationale ! L'exemple à suivre serait donc l'Allemagne de Schröder, le social démocrate dont la politique du « compromis » a eu pour effet d'appauvrir et de jeter dans la précarité des millions de travailleurs. Mais Schröder n'est pas le seul à avoir mené ces politiques, ses alter ego travaillistes ou socialistes ont fait de même. Avec le pacte de responsabilité, des milliards cédés au patronat et retirés aux dépenses sociales, François Hollande marche aujourd’hui sur leurs traces.

Il faut bien se rendre à l’évidence : les partis qui, en Europe, s’intitulent travaillistes, socialistes ou sociaux-démocrates ont non seulement renoncé à leur objectif final proclamé, le socialisme, mais aussi à l’idée que l’on pouvait, dans le cadre du système capitalisme, améliorer la condition du monde du travail. Pour finir, assez logiquement, ils ont fini par accepter que la seule voie possible était d’accompagner, voire de mettre en œuvre une politique de régression sociale absolue.

Devant cette faillite absolue, il existe une autre voie, celle de rassembler pour une alternative à gauche. Il est nécessaire de retrouver le chemin des résistances et des luttes mais aussi celui de la construction d'outils politiques, nouveaux partis, coalitions susceptibles de porter des perspectives politiques de rupture et de transformation sociale : le Bloc de gauche au Portugal, Syriza en Grèce, le FDG en France. La riposte au pacte de responsabilité s'organise au sein d'un front politique et social qui a pour vocation de s'élargir et d'aboutir à une première grande marche le 12 avril prochain.

Myriam Martin, porte parole d'Ensemble. Publié sur Médiapart.

Contre le pacte de responsabilité, rassembler pour une alternative à gauche
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