Loi d'orientation sur l'école!?!

Publié le par Le blog de la Gauche Anticapitaliste du Tarn & Garonne

Loi d'orientation sur l'école!?!

Loi sur l'école: derrière les mots, l'inscription dans la loi des fondamentaux du néolibéralisme.

Tout ça pour ça.. voilà d'abord ce qui vient à l'esprit à la lecture de la loi d'orientation prétendument refondatrice. Ce serait pourtant manquer l'essentiel d'une loi qui s'inscrit dans la continuité de plusieurs décennies de politiques néolibérales sans jamais mettre celles-ci en relation avec leurs effets dévastateurs en terme d'accroissement des inégalités, de marchandisation, de segmentation croissante des espaces éducatifs et de subordination de l'école à l'économie de la connaissance.

« Ces objectifs, dit la loi dés son préambule, s’inscrivent dans le cadre de nos engagements européens. … Le niveau global des compétences des élèves doit être amélioré pour parvenir à …......inscrire le pays dans trajectoire de croissance structurelle forte dans une économie de la connaissance internationale ». Dés lors tout ou presque est dit.

Loin de contredire d'ailleurs les méthodes néolibérales, la concertation « cause toujours » précédant la loi procédait d'un "diagnostic partagé sur l'état du système éducatif" et de « perspectives communes» et nullement d'une rupture politique, les choix de communication marquant les limites de la concertation : les organisations syndicales découvrent la loi.. par la presse. Voilà pour le dialogue social renouvelé.

La refondation scolaire comme adaptation au monde tel qu'il va ( mal..)

Le contenu rejoint la forme. On cherchera en vain une intention assumée de démocratisation scolaire globale pensée dans une perspective de transformation sociale. L'ambition éducative et sociale se limite à cet horizon indépassable : doter chacun du « socle commun de connaissances et de compétences » - auquel sera ajouté sans jamais en définir le contenu ni les moyen de l'acquérir la culture - jugé nécessaire pour être à l'unisson des « tendances sociétales lourdes » qui font loi sans jamais être questionnées. L'école doit « entrer dans la modernité » et « relever les défis du 21eme siècle ». Comme si ces derniers n'étaient pas avant tout ceux d'une société plus que jamais injuste , inégalitaire, fracturée. Comme si ce monde façonné par l'exploitation et la domination du capital imposait cette seule conclusion : préparer les jeunes générations... « au risque et à l'incertain ».. d'un monde « ouvert et mondialisé » . La refondation, c'est donc l'adaptation au monde tel qu'il va.

Dés lors il n'est guère surprenant qu'en lieu et place d'une alternative scolaire et sociale, s'impose, au moins par défaut, dispositifs, fantasmes et gadgets de la modernité « pédagogique » néolibérale.. pudiquement recouverts des habits plus vraiment très neufs ni très seyants( ils avaient beaucoup servis sous Jospin ) du néolibéralisme de gauche. Énumérons sans prétendre à l'exhaustivité.

Une conception instrumentale des savoirs et de leur transmission.

L'une des annonces les plus emblématiques concerne « l'entrée de l'école dans l'ère du numérique » qui va « prolonger l'offre des enseignements qui sont dispensés dans l’établissement et faciliter la mise en œuvre d'une aide personnalisée aux élèves. » « Il mettra aussi à disposition des enseignants des ressources pédagogiques, des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec leur famille, ainsi que des contenus et services destinés à leur formation initiale et continue. Il permettra, enfin, d’assurer l’instruction des enfants qui ne peuvent être scolarisés ». Qu'il ne soit pris aucune distance et ni introduit de réflexion didactique et épistémologique sur les usages, intérêts et dérives du tout numérique est proprement sidérant. La pensée magique redouble l'instrumentalisation des savoirs. Sans médiation bureau virtuel du professeur et cartable numérique de l'élève communiquent et rien n'échappe ainsi à l'école virtuelle et à la numérisation des conditions d'apprentissage. Faut-il que les bénéfices escomptés pour l'élève et les sociétés privées qui commercialisent les environnements numériques de travail soient immenses...et susceptibles de ré investissement puisque ce service « les prépare à l’éducation et à la formation tout au long de la vie.. mais aussi à .. apprendre à apprendre ».

A ce point d'exaltation numérique on s'étonne de la modestie du diplôme de base retenu comme référence minimale : « un diplôme national ou un titre professionnel de niveau V » soit un niveau CAP, objectif recherché.. il y a trente ans. Les voies du modernisme sont parfois impénétrables et surtout oublieuses du traitement de la difficulté scolaire qui requiert le croisement et la collaboration d'approches pédagogiques, didactiques, linguistiques et sociologiques. Ce que l'on pourrait désigner sous le terme de pédagogie de la coopération. Ce n'est pas l'orientation indiquée.

Vers un local libéralisme.

S'il est cependant un domaine où la loi innove, c'est du coté d'une nouvelle étape de décentralisation et d'un rôle accru des Collectivités territoriales. Ces formes de décentralisation ouvertes à tous les vents et à tous les lobbies patronaux et locaux concerneraient au premier chef la formation professionnelle et l'orientation qui n'ont certainement pas besoin de cela, Prolongeant un mouvement constant et déjà encouragé, c'est la porte ouverte à une dénaturation encore plus complète de l'une ( ne serait-ce que par le privilège accordée par toutes les régions sans exception au modèle de l'apprentissage patronal ) et de l'autre (déjà moribonde au regard de ses effectifs amputés et de ses structures publiques – CIO – détruites. ) et assurément à un accroissement des inégalités territoriales.

L'implication des divers échelons du local prendrait la forme d'une co éducation. associant des « partenaires diversifiés » sans articulation cohérente entre ces différents registres de transmissions d'information ou de connaissance. Parmi ces partenaires, relevons le privilège accordé aux entreprises dés la 6eme, soit un modèle de « laïcité ouverte ».. sur le capital et de « partenariat public-privé » qui a perverti et infesté l'école.

A la recherche ( vaine? ) de nouveaux « idiots utiles » ?

Il reste à apprécier les effets les plus probables d'une telle loi. Il est des questions comme celle de la formation des enseignants ou des rythmes scolaires qui sont loin d'être secondaires. Mais coupées de leurs dimensions sociales et politiques, elles risquent de connaître le sort de bien d'autres soucieuses du bien être de l'enfant et du « vivre ensemble » dans un espace illusoirement protégé de la guerre sociale et de ses effets destructeurs. Face à la violence sociale d'un capitalisme de plus en plus débridé le catalogue des bonnes intentions pédagogistes ne saurait déboucher sur autre chose que sur une recherche de pacification ou du moins de réduction des zones de tensions maximales. Ainsi, aménagé pour le rapprocher de l'enseignement primaire, avec moins d'enseignants délivrant des savoirs disciplinaires et plus d'activités encadrées par des acteurs locaux, le collège inviterait les organisations périphériques de l'école à s'impliquer dans une forme d'occupationnel « éducatif » qui assouplirait une formation jugée trop élitiste.. et trop coupée du monde. Soit le socle en acte, toujours lui, mais rendu « politiquement correct » par la vieille antienne de l'école fondamentale remise au goût du jour.

La critique de la droite se réduit alors à une dénonciation de gestes inutilement provocateurs et au rejet des formes les plus délirantes d'évaluation de la rentabilité éducative. Mais elle se garde bien de toucher à loi LRU instituant l'autonomie concurrentielle des universités. Le reproche majeur est en fait de n'avoir pas su dégager l'accessoire de l'essentiel des réformes et de n'avoir pas trouvé les relais locaux voire syndicaux et pédagogiques pour les faire pleinement accepter. S'il ne fait guère de doute que le pouvoir cherche à s'assurer le concours de nouveaux vieux alliés, rien ne prouve que les éventuels candidats auraient une influence significative dans et hors l'école.

Une école commune, démocratique et émancipatrice.

A l'heure où l'édifice européen tout entier vacille, posons la question : le cours néolibéral doit-il, en dépit des catastrophes et des souffrances sociales qu'il engendre, continuer à s' appliquer ou doit être radicalement remis en cause ? A ne pas connecter cette question à l'avenir de l'école, on limite par avance le champ de réflexion à un « scolarisme » stérile qui par delà ses diverses formes a pour point commun de considérer que l'école doit préparer au mieux les esprits et façonner les subjectivités des enseignants et des élèves à la rationalité néolibérale d'un monde qui serait le seul possible.

Fondamentalement deux options se présentent : la poursuite voire l'accélération d'une telle politique pour que l'école s'adapte voire anticipe sur l'évolution du capitalisme néolibéral et de ses « fondamentaux» : économie de marché, société de marché, école de marché ou une rupture profonde avec l'école et la société de la concurrence et de la compétition pour ouvrir la voie à la fondation d 'une école commune, démocratique et émancipatrice.

Francis Vergne. Chercheur associé à l'Institut de recherche de la FSU, auteur de Mots et maux de l'école, petit lexique impertinent et critique, Armand Colin, 2011 et co auteur de la Nouvelle école capitaliste. La découverte, 2011. Article écrit pour la revue de l'Ecole émancipée, janvier 2013.

Loi d'orientation sur l'école!?!

Grève historique dans les écoles de Paris

À l'appel de l'intersyndicale parisienne, plus de 90 % des enseignantEs des écoles étaient en grève le mardi 22 janvier contre le projet d'aménagement des rythmes scolaires à Paris. Après une rentrée dans l'attente du « changement, c'est maintenant », cette mobilisation historique révèle une profonde déception vis-à-vis de la politique éducative du gouvernement socialiste et une colère contre un projet municipal bâclé.

Une école détruite par Sarkozy

Pendant cinq ans, les écoles ont subi une politique de destruction et un autoritarisme de la hiérarchie. Suppression massive de postes, quasi-disparition des réseaux d'aides aux enfants en difficulté (Rased) remplacés par l'aide personnalisée (AP), mise en place du socle commun de compétences et du livret personnel de compétences (LPC) avec évaluations à outrance, programme 2008 rétrogrades et surchargés...

Toutes ces réformes ont placé les enseignantEs du primaire dans des positions intenables entre l'injonction d'enseigner plus de connaissances en moins de temps, sous la pression des évaluations de CE1 et CM2. De surcroît, les enseignantEs se retrouvent seulEs face aux difficultés d'élèves. Cette situation est source de souffrance au travail et de résignation face à la répression de la hiérarchie. Sans compter le jour de carence et les salaires parmi les plus bas d'Europe.

Le changement c'est pour quand ?

L'élection de François Hollande pouvait laisser espérer une autre orientation : priorité à l'éducation et refondation de l'école étant les maîtres mots du changement. Force est de constater que rien n'a changé à la rentrée 2012. Certes les postes promis marquent l'arrêt de la saignée Sarkozy mais ils ne réparent pas les dégâts ! Les Rased sont bel et bien sacrifiés. Le pouvoir socialiste n'a même pas pris des mesures symboliques qui ne coûtaient rien, comme la levée des sanctions contre les désobéisseurs ou la suppression des AP. Au contraire, le rapport sur la refondation maintient le socle commun et les AP appelées aujourd'hui activités pédagogiques complémentaires (APC), il ajoute une demi-journée d'école. En fait de refondation, le fond reste le même avec une demi-journée de travail supplémentaire. Il faut reconnaître qu'il intègre aussi quelques revendications syndicales comme « plus de maîtres que de classe » et la scolarisation des enfants de 2 ans. Mais avec quels moyens pour les mettre en œuvre ? Une refondation qui ne touche que les rythmes scolaires n'est clairement pas à la hauteur. De plus, elle aggravera les inégalités entre territoires puisque ce sont les mairies qui financeront le périscolaire. D'ailleurs la plupart des grandes villes ont reporté l'application du décret à 2014. Même le conseil supérieur de l'éducation (CSE) a rejeté le décret sur les rythmes.

Un projet bâclé qui relève du bricolage politique

Sans aucune concertation et dans la précipitation, la mairie de Paris prévoit, dès 2013, le mercredi matin travaillé et l'allongement de la pause méridienne de 11 h 30 jusqu'à 14 h 15. Cette dernière annonce a provoqué la colère dans les écoles. TouTEs les professeurEs savent que le temps de midi est très fatiguant pour les enfants. À partir de 13 h 10, tous les enfants sont dans la cour, la majorité des accidents se produit à ce moment-là. La mairie répond qu'elle organisera des activités culturelles, sportives... Mais où sont les moyens ? Dans quels locaux, quelles installations sportives ? D'autant que le nombre de surveillants par enfant devrait baisser (le taux d'encadrement passera de un adulte pour 18 enfants contre un pour 14 aujourd'hui). Nous craignons une fatigue excessive d'enfants contraints à la collectivité pendant trop longtemps. Ce serait donc une grave dégradation des conditions d'apprentissage et des conditions de travail des enseignants, ainsi que celles de tous les personnels. Les agents de service verraient leurs horaires de travail morcelés. Les surveillants/animateurs (déjà précaires et mal payés) seraient moins nombreux par élève, mal formés pour gérer un temps de midi plus long sans moyens et dans des locaux exiguës.

Le mépris comme dialogue social

À aucun moment les enseignants n'ont été consultés. Ni pendant l'été par Vincent Peillon qui a reçu les directions syndicales dans le plus grand secret et la plus grande opacité. Ni par la mairie de Paris qui veut boucler son projet dans la précipitation. N'avons-nous pas une expertise professionnelle sur ces questions ? Alors que la première revendication syndicale demande l'ouverture d'une vraie consultation avec l'ensemble des personnels des écoles, la mairie de Paris et les élus socialistes répondent par le mépris. Bruno Julliard et Jean-Christophe Cambadélis présentent les enseignants comme corporatistes, attachés à leurs privilèges. Bel exemple de dialogue social ! Même la droite avait organisé des pseudo-consultations avant de nous imposer les programmes de 2008 !

Bien évidemment la presse emboîte le pas avec une campagne odieuse orchestrée autour du thème : ces privilégiés de fonctionnaires veulent garder leur mercredi matin contre le bien-être des enfants.

Dans ce contexte, un enjeu essentiel du mouvement sera notre capacité à associer les parents et l'ensemble des personnels des écoles à notre lutte. D'autant que la direction de la FCPE soutient le projet. Mais les rapports de force changent dans leur base : la manifestation parents enseignantEs du samedi 2 février qui a rassemblé 3 000 personnes en est un signe encourageant.

Les suites du mouvements restent ouvertes. À Paris, la mairie doit retirer son projet et ouvrir de vraies consultations avec l'ensemble des personnels des écoles.

Sur le plan national, notre grève a ouvert la perspective d'un mouvement pour l'abrogation du décret sur les rythmes scolaires. La grève nationale appelée pour le 12 février dans le primaire sera une étape importante.

Denis, GA Paris 20éme - le 03 fev 2013

Loi d'orientation sur l'école!?!